olivier
ACTUALITÉ
Publiée le 10 juillet 2025

[Rédaction du Lab] des oliviers dans le vignoble bordelais

Face à la crise du vignoble bordelais, de plus en plus de viticulteurs s’engagent dans la diversification. Encouragés par la chambre d’agriculture de la Gironde, certains choisissent de remplacer les vignes arrachées par des vergers fruitiers. L’olivier attire notamment leur attention, en raison de son adaptation possible aux nouvelles conditions climatiques et de son potentiel économique. C’est le pari de Fabien Bougès qui a décidé d’anticiper l’avenir en sortant du tout-vigne.

 L’olivier, un pari économique

Fabien Bougès est un vigneron installé dans l’Entre-deux-Mers, qui, jusqu’à l’année dernière, exploitait 35 hectares de vigne en cave coopérative. Il y a un peu plus de cinq ans, Fabien a pressenti que les nuages s’amoncelaient au-dessus du vignoble bordelais. Il a alors décidé, en concertation avec sa compagne, de diversifier la production du domaine familial, transmis depuis cinq générations. Il a commencé par se lancer dans l’élevage de poules pondeuses, une activité à la rotation très courte et au retour sur investissement rapide, avant de s’intéresser à la culture de l’olivier. « L’olivier a le double avantage d’être une voie d’adaptation au changement climatique et de ne pas encore être beaucoup implanté dans la région » explique Fabien Bougès. « Si nous plantons rapidement, nous serons les premiers sur un marché localement vierge. » Quand on sait que la production d’huile d’olive française ne couvre que 4 % de la consommation nationale, et que la majorité de cette production est positionnée sur du haut de gamme, le néo-oléiculteur estime qu’il y a une place à prendre sur un créneau à des prix plus modérés, tout en restant fidèle à l’agriculture biologique.

Les deux hectares d’oliviers que Fabien a plantés il y a quelques années ont donné cette année, et il a pu transformer ses olives en quelques litres d’huile, grâce au moulin qu’il a acheté. Il compte également proposer des prestations de trituration à d’autres producteurs. Les nouveaux oléiculteurs girondins se sont regroupés au sein de l’association Oléiculteurs Nouvelle-Aquitaine, afin de promouvoir et professionnaliser la filière oléicole en Gironde, et plus largement en Nouvelle-Aquitaine. Fabien Bougès estime qu’environ une centaine d’hectares sont actuellement plantés en Gironde, et il observe un certain dynamisme, avec des projets de plantation dans le Blayais, ainsi que dans les régions de Libourne et de Castillon.

 Une solution partielle à la crise viticole

Avec des hivers de plus en plus doux, de moins en moins pluvieux et froids, l’agriculture girondine est confrontée à de profonds bouleversements, qui s’ajoutent aux difficultés économiques du vignoble bordelais. Face aux hectares de vignes arrachés, les cultures arboricoles apparaissent comme une alternative, à l’image de l’olivier. Mais celui-ci n’est pas une solution miracle, comme le souligne Fabien Bougès : « L’olivier ne va pas remplacer la vigne car il ne s’adaptera pas partout. Il faut sélectionner les parcelles avec soin et travailler le drainage, car la principale contrainte pour l’olivier dans la région, c’est l’excès d’eau dans le sol. C’est un arbre qui n’aime pas passer l’hiver les pieds dans l’eau. » L’olivier présente une autre limite, qui pourrait décourager les viticulteurs les plus précaires : son retour sur investissement peut prendre six à sept ans. Jusqu’à cet hiver, Fabien n’avait pas encore arraché de vignes. Il a finalement décidé d’en arracher 10 hectares et envisage de replanter une partie des parcelles avec des oliviers au printemps 2026. Pour l’instant, 540 oliviers sont répartis sur deux hectares, en attendant d’en planter progressivement quatre hectares supplémentaires.

Pour Fabien Bougès, l’avenir passe par la diversification, voire par un abandon progressif de la viticulture : « Je compte bien arracher encore des vignes, et je ne sais pas s’il m’en restera à moyen ou long terme. Car aujourd’hui, c’est travailler beaucoup pour perdre de l’argent. »
Refusant de reproduire ce qu’il considère comme l’erreur de la monoculture viticole, il ne plantera pas plus de six hectares d’oliviers au total. Outre les poules pondeuses, il explore d’autres pistes d’élevage et observe avec attention les initiatives de ses confrères :
« Il y a des gens qui reprennent des vaches, d’autres qui remettent des brebis, des petits vergers… Tout le monde cherche le bon modèle, la bonne solution pour s’en sortir. » La révolution agricole girondine ne fait que commencer…

Le mot de Géraud Peylet, conseiller d’entreprise et directeur du pôle installation- transmission et formation à la chambre d’agriculture de Gironde :

« Depuis 2018-2019, la chambre d’agriculture de Gironde est de plus en plus sollicitée par les viticulteurs en quête de solutions de diversification. Dès l’année suivante, nous avons commencé à explorer différentes filières agricoles, au-delà de celles déjà connues dans le département. Nous avons notamment réfléchi aux scénarios de réchauffement climatique, et l’olivier est apparu comme l’une des pistes possibles. Nous nous sommes formés à sa culture, puis avons lancé des formations pour les viticulteurs, mis à disposition des données techniques et proposé un accompagnement, à la fois individuel et collectif. Certes, aujourd’hui, notre climat n’est pas idéal pour l’olivier… mais il ne l’est pas non plus pour cultiver du merlot, et pourtant on le fait ! Les viticulteurs peuvent bénéficier de services souvent pris en charge, qui permettent d’obtenir des conseils et des formations. Il existe aussi un dispositif de réorientation viticole pour les accompagner dans leur diversification. »